Dans son livre "Absurdité à la française", notre confrère Philippe Eliakim dénonce avec vigueur et humour l’avalanche de normes qui plombent notre économie.
Pourquoi cette retraitée modeste va-t-elle être obligée rénover à grands frais – 30 000 euros – ses fosses septiques, qui ne risquent pourtant pas de contaminer la nappe phréatique, trop profonde à cet endroit ? Ahhh, mais parce qu’elles ne sont plus aux normes, lui a fait valoir l’administration. Et pourquoi donc les copropriétaires doivent-ils se ruiner dans la mise en conformité de leurs ascenseurs, les restaurateurs installer à grand frais leurs toilettes au rez-de-chaussée, les usines consigner des sommes astronomiques pour d’improbables catastrophes écologiques et les villes détruire des gymnases tout neufs construits en sous-sol ? Toujours à cause des normes.
Les 400 000 obligations kafkaïennes de notre arsenal réglementaire corsètent notre économie, détruisent des milliers d’emplois dans tous les secteurs d’activité, et nous coûtent entre 70 et 80 milliards d’euros par an, selon des estimations des plus officielles. Dans les 220 pages d’«Absurdité à la française, enquête sur ces normes qui nous tyranisent», notre confrère Philippe Eliakim – il est rédacteur-adjoint au magazine Capital – explore avec un humour corrosif ce fléau tricolore encore mal connu du grand public. Il rapporte des dizaines d’exemples de contraintes démentielles et de règlementations idiotes, dont l’application à la lettre par l’administration aboutit à des catastrophes, destruction de maisons, délocalisations de pans entiers de notre industrie et mise sur la paille de milliers de ménages modestes. Sans parler des milliards d’euros de dépenses imposées tous les ans au contribuable… Cette plongée au plus profond d’une France bureaucratique et ubuesque, qui donne des migraines à nos élus locaux, à nos chefs d’entreprise et sans doute à tous nos concitoyens, démontre l’urgence d’un grand ménage.
En mars dernier, François Hollande a d’ailleurs assuré que cela suffisait et qu’il fallait en finir. «On gagnera en croissance», s’est justifié le chef de l’Etat. Dans la foulée, Jean-Marc Ayrault s’est empressé de réunir un comité interministériel et de décréter un moratoire sur les nouvelles normes… qui n’a jamais été appliqué. Sans doute serait-il abusif de voir derrière cette inaction l’influence pernicieuse des milliers de fonctionnaires, de toutes les administrations, qui ajoutent chaque jour de nouvelles règlementations aux 64 codes encadrant la vie de 65 millions de Français. EG
"Absurdité à la Française", 221 pages, Ed. Robert Laffont