Cher Gibet...heureuse de te retrouver là!
Ami Briard, arrête de sauter à la corde!
...voici un pamphlet croustillant...
Selon que vous soyez Royal(iste) , Holland(ais) ou encore dans leur opposition, vous apprécierez différemment ce pamphlet.
Quoiqu'il en soit, vous admettrez que l'anonyme qui l'a rédigé ne manque pas d'humour.
A vous de juger.....
Bonne lecture, les ami-es!
Nouvelle dynastie en République
Objet: Madame Royal
Qu'en termes élégants ces choses-là sont dites ! ! !
Un vrai régal de lecture
Madame,
Vous voici donc presque reine de France ! Rayonnante de votre beauté
académique, (après chirurgie esthétique et soins onéreux) vous avancez,
distribuant vos éclatants sourires comme autant d'aumônes, prête à guérir
les écrouelles, à soulager les scrofuleux. Votre retour en grâce est un
triomphe ! Vous dégustez, savourez sans barguigner cette éclatante revanche.
Vous interdisez les décolletés, vous obligez qu’on se lève à votre passage,
lorsque vous déjeunez il est interdit de faire du bruit etc... dans votre
ministère.
Un temps, fort long selon votre goût, car la Cour vous a proscrite,
reléguée, bannie, pestiférée. Elle s'est moquée, gaussée de la litanie de
vos malheurs. Stoïque, vous n'en avez rien laissé paraître, Madame, vous
montrant fort aimable sans jamais grincer sur le sort qui vous était
réservé, insensible que vous fûtes aux vilenies que l'ancienne favorite du
roi s'employa à ourdir à des fins de causer votre perte. Quand vint le temps
de sa disgrâce, vous vous tîntes coite : mais votre cour s'emballa à l'idée
de connaître la fin d'un pesant exil.
L'avenir, radieux, vous sourit à nouveau : le roi vous a adoubée en faisant
de vous sa ministre des Fleurs des champs et des Petits oiseaux, une charge
que les Pastoureaux de la Mère Duflot ont dédaigneusement rejetée.
A vous donc, Madame, gloire et beauté : vous voici à présent ointe des
huiles les plus raffinées, des onguents les plus rares, ceux qui vous
confèrent ce teint éclatant adorné de ce ravissant chignon qui sied à ravir.
Vous ne manquerez pas de poser aux côtés du roi ... Quel couple de vitrail !
Lui, précédé de sa petite bedaine d'oyer-rôtisseur, toujours aussi boudin de
figure, hésitant, tremblotant dans ses surtouts si tristement et
maladroitement coupés. Vous, Madame, lumineuse telle une madone de transept,
nimbée de votre gloire de Niquée.
Mais vous avez trop souffert, Madame, pour ignorer que ce délicieux madrigal
dissimule une réalité où le noir le dispute âprement au rose.
Souffrez donc, Madame, qu'une marquise un peu décatie, rafraîchisse votre
esprit de quelques vérités que vous serez si prompte à oublier tant votre
audace et vos emportements viennent à troubler votre vue.
Ce retour à la Cour est une comédie bouffe ! Les gazetiers étrangers ont
ainsi trempé leurs plumes dans une encre d'une âcreté sans égale pour se
gausser, jaboter, ironiser sur l'étrangeté de votre élévation. Après avoir
chassé du Château son encombrante et rétive favorite d'alors, le roi s'est
donc pris de faire revenir près de lui la mère de ses enfants qu'il avait
répudiée pour s'enfuir dans le lit d'une audacieuse courtisane dépourvue de
scrupules. Ces mêmes gazetiers, ha ! les impudents que voici ! ne craignent
pas un instant écrire qu'une telle pièce de boulevard n'aurait jamais été
donnée pour cause de ridicule et de bouffonnerie.
Mais le Flou a tant de choses à se faire pardonner : il n'a, pas un moment,
songé au caractère fantasque, saugrenu, inédit et pour tout dire, désinvolte
de sa décision. Car il s'agit bien de sa décision, et non celle du comte
Valls, son nouveau Grand chambellan, qui ne vous souffre guère. A l'instar
du comte Fabius de Pomponné qui vous moqua cruellement quand vous briguâtes
la couronne de France.
Sachant la tradition des sans culottes de s'entre-dévorer même et surtout en
place publique, voici qui nous promet de belles heures, même si, à présent,
personne ne se prend de moufter : pardonnez, Madame, la trivialité de mon
propos.
Le roi et son Grand chambellan n'auront guère le loisir de connaître la
sérénité qui commande l'exercice du pouvoir. Vous êtes, Madame, impétueuse,
parfois irréfléchie ; vous êtes rebelle à toute forme d'autorité et personne
ne peut se targuer d'avoir un jour réussi à vous faire entendre raison. Si
la comparaison n'était pas si peu flatteuse, l'on vous verrait telle une
vachette landaise, grattant le sol avec frénésie, prête à encorner le
premier des culs qui s'offre.
C'est bien là l'un des nombreux cauchemars qui troublera bientôt le sommeil
du comte de Catalogne. Le voici qui va devoir encore toréer sans fin pour
apaiser les conflits qui ne manqueront pas d'éclater entre le duc de
Montebourg et Monsieur de Monbeausapin désormais cousus aux finances, tels
deux chats entiers jetés dans un sac de jute.
Ce portrait d'une famille, un temps décomposée, puis recomposée sous les
plus sombres augures serait incomplet si l'on ne faisait ici état de la
bouderie de la duchesse de Flandre qui, si elle en avait l'heur, vous ferait
servir, Madame, le plus expéditif des bouillons de onze heures. L'on
l'imagine à grogner, pester, ronchonner, clouer ses ennemis au pilori. Ha
!!! Le roi n'est pas son cousin. Vous n'êtes pas non plus sa cousine,
Madame.
Sur ordre du roi, à n'en point douter, vous avez du renoncer à votre duché
du Poitou ! Au fond, peu vous chaut. L'affaire semblait perdue. Vous êtes à
présent ministre et tout laisse à croire que vous ne ferez pas longtemps
votre content de la charge qui vous échoit. Votre charmant sourire trahit
votre nature carnassière ... C'est votre seul point commun avec le comte
Valls.
Si fait, Madame, une dernière question : qui de vous-même ou du Grand
chambellan se fera servir la tête du roi ? Puisque nous vivons des temps
assez irréels, imaginons qu'il vous vienne à l'esprit de réserver au roi le
sort du tsar Pierre III ? Convaincue de son incapacité à régner, la tsarine
Catherine, la grande Catherine, le fit égorger et monta alors sur le trône
de l'empire russe. Vint alors un règne que Madame de Staël qualifia de
"despotisme tempéré par strangulation."
Auteur inconnu, mais très lucide.