Sujet: un enjeu de taille: la culture 10/12/2012, 06:03
A grands traits, on peut constater que l'identification des couches, classes,..repose sur quelques axes saillants: les revenus, les cercles ( amis, fréquentations,..), et la culture. Aussitôt qu'un curseur modifie ou brouille les lignes, un réflexe ( conditionné ou non ) reforme le positionnement, réaffirmant l'identification. Par exemple, beaucoup de nouveaux objets produits en nombre limité sont "testés" par la classe dominante ( pour des raisons de coût prohibitif , mais pas seulement ) et si ceux-ci sont adoptés, pourront être produits à plus grande échelle, ce qui fera baisser leur coût unitaire, et adopté par la classe située en-dessous; la classe supérieure ( ou jugée telle ) jetant ses filets sur d'autres convoitises. Donc, l'espace de loisir ( a minima ) est objet de distinction, les uns par rapport aux autres. Autre exemple : le golf, qui était jusqu'à peu une pratique sélect, est "menacé" de démocratisation. Donc, le conditionnement de l'élite les conduit ( bien involontairement..) à trouver d'autres hobbies, entre soi !
La culture, ou plutôt expression artistique, n'échappe pas à la règle( production et réception ). La fréquentation de lieux comme théâtres, opéras,..donne à penser qu'il existe encore, des zones réservées, quasi interdites ( aux autres ). Car ici, se joue également, un acte en continuelle re-lecture de "la dictinction".( et ce n'est pas forcément une question de coût: combien revient une place pour entendre tel chanteur de rock? )
Donc, même si parfois, ces ambiances un peu chloroformées nous invitent à passer notre chemin, tout en nous indiquant d'autres contenus et contenants, c'est un piège. Tout d'abord, lorsque l'on explore le fond des œuvres ( qui, souvent se réfèrent à des tragédies bourgeoises: prince qui voudrait conquérir la main de la fille du roi,..certes ), on peut être surpris agréablement par des saillies proprement révolutionnaires: Don Giovanni de Mozart par exemple, la Flute Enchantée...( j'ai ponctué de 3 points ). Et surtout, ne pas s'enlaidir d'un barrage supplémentaire: voici votre place, votre culture est là et pas ailleurs. Outre que l'on peut prendre grand plaisir à goûter ces plats inédits, il se double lorsque l'on prend conscience que l'on fait voler en éclats, un interdit tenace, et que l'on auto-alimente trop souvent. La sensibilité a besoin également de s'élargir, de s'abreuver à de diverses sources, et comme l'eau vive, s'affranchit des cloisonnements.
GIBET Admin
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Sujet: Re: un enjeu de taille: la culture 11/12/2012, 01:31
C'est amusant car je viens de lire avec attention ton proos que je partage et sur lequel je reviendrai; Mais au même moment j'ai reçu d'un ami Portugais cette lettre que je vous fais partager . J'avais diffusé un air du fado, chanté par Mariza, que j'avais qualifié de "pleurs du peuples". Mais cette expression trompait la vérité des origines culturelles profondes de cette musique. Alors cher Gébé , pour illustrer ton propos de l'identification culturelle d'une œuvre , je veux rendre par cet ami, les origines profondes de ce "conditionnement" culturel.
Citation :
j’ajoute juste une observation suscitée par ta phrase « J'ai découvert cette plainte souffrante du peuple… » C’est qu’elle me fait penser, mais ce n’est qu’une coïncidence, à une exégèsetrès en vogue du fado avec des intentions éminemment politiques : le fado est d’origine pluriculturel et multiracial et traduit des souffrances sociales et politiques du peuple portugais. C’est politiquement très correct et dans le sens de l’histoire mais lamentablement erroné.
En effet, rien de plus faux : le thème musical évoque le style plaintif et traînant de mélodies arabes, certes, car les maures (mouros) ont occupé le Portugal et d’autant plus qu’un des plus vieux quartiers de Lisbonne sur la colline du château Saint Georges porte le nom de « A Mouraria » (le quartier des maures). Avec « Alfama » et « Bairro Alto » c’est un des trois quartiers à fado qui se confondent avec ses propres origines.
En effet, le fado est né dans les chants plaintifs des femmes pour leurs hommes partis en mer pour des expéditions (les Grandes Découvertes maritimes) vers des horizons inconnus qui pouvaient durer des mois et des années… et ces marins n’avaient pour seule compagne dans leurs caravelles qu’une guitare. Or ces trois vieux quartiers étaient habités surtout par des marins et pêcheurs.
Bien sûr, ces marins ont voyagé à travers toutes les mers, abordé mille pays, côtoyé tant de populations, que beaucoup d’autres influences musicales ont certainement modulé le fado mais néanmoins l’origine du fado accepté par la plupart des musicologues est bien celle-là.
Le fado dans sa forme la plus pure est inspiré exclusivement par des souvenirs, émotions et sentiments liés à la ville (Lisbonne), à un quartier, voire à une rue ou même à une maison, et à de gens ou à des évènements qui leur sont attachés.
Comment illustrer plus justement ton propos sur l'appartenance forte à des "couches sociales" que par cette musique "sociale" qui parle à notre inconscient profond de l'ego. GIBET
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Sujet: Re: un enjeu de taille: la culture 11/12/2012, 01:36
Juste un entracte musical avant de continuer sur cette idée de la "culture de classe"
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GIBET Admin
Messages : 11790 Date d'inscription : 19/01/2010 Age : 76 Localisation : Finistère
Sujet: Re: un enjeu de taille: la culture 11/12/2012, 01:41
Citation :
Le Fado c’est tout ceci
Tu m’as demandé l’autre jour Si je savais ce qu’est le fado Je t’ai dit que je ne savais pas Tu en as été surpris Sans savoir ce que je disais Je t’ai menti en ce moment En te disant que je ne savais pas Mais je vais te le dire maintenant
Âmes défaites Nuits perdues Ombres bizarres Dans la Mouraria Chante un voyou (*) Pleurent les guitares Amour, jalousie Cendres et feu Douleur et péché Tout ça existe Tout ça est triste Tout ça est le fado
Si tu veux être mon maître Et m’avoir toujours à tes côtés Ne me parle pas seulement d’amour Parle-moi aussi de fado Le fado est mon châtiment Il est né pour me perdre Le fado est tout ce que j’ai dit Plus ce que je ne saurai jamais exprimer
gébé
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Sujet: Re: un enjeu de taille: la culture 11/12/2012, 17:53
oui, je comprends et crains cela, le dépouillement de notre plus belle essence.
En fait, je voulais aussi pointer que le combat se situe souvent dans la salle de concert, sous des apparences de velours. Il s'agit d'un barrage contre le développement de la sensibilité qui éprouve le besoin d'espace, de découverte, de toujours voir défiler sous son aile de nouveaux territoires. Par exemple, j'apprécie le travail de Laurence Equilbey et son groupe Accentus, à transcrire de manière originale et somptueuse les compositions de Barber, Mahler..Hé! bien, cette femme hyper- sensible à tout ce qui bruit, a besoin pour sa nourriture , de s'alimenter aux musiques de jazz, de rap, r'n b,.. Tout en identifiant chaque musique à ses racines propres, en parfois les rapprochant ( au niveau de la composition ), il faut surtout veiller à rapprocher les publics, à ignorer les jalons ou barrières que de manière discible ou non, on chercherait à planter, comme celle d'une terre interdite ou réservée. Notre épanouissement en dépend; notre musique intérieure en quelque sorte.
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Sujet: Re: un enjeu de taille: la culture 15/12/2012, 03:16
Ah là là...tu me fais regretter ma défaillance culturelle sur le plan musical. Je suis incapable de soutenir un développement utile dans ce domaine où j'avoue mon ignorance. Mais j'ai plaisir à te lire et je rechercherai des informations sur les œuvres et les auteurs que tu évoques. Merci de ton ouverture! GIBET
gébé
Messages : 265 Date d'inscription : 28/10/2012
Sujet: Re: un enjeu de taille: la culture 31/12/2012, 09:49
J'ajouterai une petite note ( en la peut-être ) : beaucoup de lieux culturels, pour de justes raisons, amplifient malgré eux, ce malaise. Ils sont étiquetés, identifiés: scènes nationales, scènes culturelles,..et respectent un cahier des charges reflétant leur identité, soit. Ce respect conditionne d'ailleurs les subventions,.. Mais, en fait, leurs programmes respectifs laissent peu de place à l'ouverture vers d'autres domaines que celui qui leur est destiné.. Une scène lyrique par exemple, ne donnera jamais ( ou très rarement ) la possibilité à un créateur de comédie musicale, par exemple, de faire connaître son travail à un public habitué à l'opéra ou aux concerts de musique classique. Inversement, un Centre Culturel ( conventionné ou non, pour la danse, les musiques actuelles,..), n'ouvrira jamais ses portes à un opéra,..
C'est cet espace médian qui manque, je trouve, pour s'ouvrir à d'autres expressions artistiques que celles dont nous sommes familiers: cela correspond, d'ailleurs, peut-être à une tendance actuelle, de séparer, sectionner, ghettoïser,..
Le ministre précédent de la Culture, F.Mitterrand, avait encore appuyé sur la plaie: ayant fait le constat, soi-disant que l'affirmation " la culture pour tous" avait montré ses limites, il l'avait tourné, par " la culture pour chacun", en renvoyant donc chaque consommateur de culture à ..ses origines culturelles, celles qui lui sont vouées, par esprit, par capillarité.
Pour terminer, cet enjeu se retrouve au sein même du PAF: lors de l'émergence de chaînes thématiques ( Arte comprise ), cette spécialisation fut décriée comme alimentant la sectorisation, la mise de côté. Les chaînes de service public essaient de résister, en proposant parfois du théâtre, voire un opéra, mais ce n'est pas gagné: d'ailleurs, les coupes sombres sur les budgets à venir risquent, j'en ai peur, de tailler dans cette direction.
GIBET Admin
Messages : 11790 Date d'inscription : 19/01/2010 Age : 76 Localisation : Finistère
Sujet: Re: un enjeu de taille: la culture 3/1/2013, 17:59
Tu sais je pense que l'homme est lui même cloisonné . Je suis persuadé que biologiquement l'hommer est beaucoup plus perméable qu'on le prétend aux influences de sa classe et de sa culture familiale Il est surtout organisé pour son plaisir par ce que la fonction du plaisir est un élément moteur de la vie. Il élimine donc spontanément les éléments qui assombrissent sa lutte vitale jusque dans ses choix de loisir. Dans sa quête d'énergie vitale rien ne peut le détourner de ce qui lui plait et de ce qui ne lui plait pas. Or aujourd'hui chacun a pu accéder au "catalogue" de ce qui se fait. Alors il est vrai que le groupe est influencé par une forme de déterminisme des émissions proposées ...mais individuellement chacun se décloisonne du groupe. le fait que les télévison sdu cable , de la TNT ou des satellites qui offrent des centaines d'émissions, montre ce besoin boulimique d'une culture différenciée. Le zapping est un outil de choix où l'on devient indépendant de la culture des autres. Je pense que les générations nouvelles ne s'inscrivent plus de la même façon dans les ciodes collectifs car il y a bien longtemps qu'ils ont décollé les étiquettes et qu'ils "votent avec leurs pieds" en changeant continuellement de fournisseurs de manière infidèle. Bien sûr il y a toujours des tentatives de la part des fournisseurs de classer et d'orienter leur clientèle ...mais cette façon de faire ne tient plus à mon avis ! C'est pour moi le début d'un vrai combat biologique pour exister hors de toute communauté ...et les fournisseurs seront bien obligé d'en tenir compte! Espérons!!! GIBET