François Hollande a sommé "pour la dernière fois" mercredi ses ministres de cesser de se quereller et a exigé de son Premier ministre Jean-Marc Ayrault qu'il coordonne mieux la communication d'un gouvernement qui enchaîne les "couacs".
Le président français a profité du conseil des ministres pour procéder à un rappel à l'ordre sur le dossier des Roms et imposer sur son équipe indisciplinée son autorité jugée défaillante par l'opposition et une grande partie des médias.
"Si un problème surgit, il doit être soumis à mon arbitrage", a lancé, selon son entourage, le chef de l'Etat avant de critiquer implicitement Jean-Marc Ayrault en conseil des ministres pour son incapacité à tenir ses troupes.
"Je demande donc au Premier Ministre d'assurer encore davantage la coordination du travail et de l'expression du gouvernement", a-t-il dit de même source.
Une violente controverse oppose depuis une semaine Manuel Valls et la ministre écologiste du Logement Cécile Duflot, qui estime que le ministre de l'Intérieur a attenté au pacte républicain en affirmant qu'une minorité de Roms voulait s'intégrer en France.
Manuel Valls avait ensuite qualifié ces propos d'"insupportables", tendant l'atmosphère dans la majorité.
"Je suis attaché à la délibération collective. Mais le débat doit se situer à l'intérieur du gouvernement, non sur la place publique", a dit François Hollande, qui entend "mettre un terme définitif" à cette "polémique".
DES RÈGLES STRICTES POUR ÊTRE AU GOUVERNEMENT
Selon un ministre, "le président de la République a dit 'c'est la dernière fois'. Personne n'a moufté" lors de ce rappel à l'ordre. Un autre membre du gouvernement a précisé que Manuel Valls et Cécile Duflot avaient "échangé sereinement" avant le conseil" mais que Jean-Marc Ayrault s'était emporté contre "les expressions trop nombreuses" de ces ministres.
"Je tiens à dire qu'il faut arrêter de communiquer dans tous les sens", a dit le Premier ministre, selon ce participant.
François Hollande a rappelé que la politique française envers les Roms mêlait fermeté et humanité, avec démantèlement des campements illégaux et insertion des populations concernées "quand les possibilités et les volontés existent".
"Elle tient compte de la réalité. Celle de ces populations trop souvent stigmatisées mais aussi celle de nos concitoyens légitimement exaspérés, surtout lorsque leurs biens et leur sécurité sont en cause", a-t-il dit en ajoutant que cette politique était celle de "tout leur gouvernement".
Il a également demandé à la Roumanie et à la Bulgarie, pays d'origine de la majorité des Roms, de "prendre (leurs) responsabilités en intégrant (leurs) propres populations".
Mais au-delà de la polémique sur les Roms, François Hollande a demandé que les ministres respectent les principes de "collégialité, solidarité, responsabilité" pour "toutes les questions surtout pour les plus délicates".
"Participer à un gouvernement n'efface pas les sensibilités, mais impose la stricte application des règles que je viens d'énoncer", a-t-il ajouté selon son entourage.
"NI RELÂCHEMENT, NI DIVERSION"
Pour le président français, c'est "encore plus vrai dans la période que nous vivons ensemble depuis 16 mois", "où il nous faut demander des efforts aux Français pour rétablir la situation économique et financière, et où tout doit être fait pour retrouver la croissance et l'emploi".
"J'ai reçu mandat pour redonner aux Français confiance dans leur destin. Il n'y aura ni relâchement, ni diversion".
Cette mise au point intervient au moment où l'exaspération monte au sein de la majorité, qui s'est aussi déchirée ces derniers jours sur la loi pénale ou la fiscalité écologique.
Une vingtaine de députés de la majorité ont ainsi lancé mercredi un appel à la raison aux membres du gouvernement, dont les bisbilles à répétition sapent selon eux l'action de l'Etat dans un climat qui ressemble à celui de "l'avant-guerre".
"Nous avons une situation qui ressemble un peu à l'avant-guerre, on est dans l'insouciance, on ne se rend absolument pas compte de ce qui est en train de se passer en Europe et donc en France", a déclaré sur RTL Jean-Christophe Cambadélis, ancien soutien de Dominique Strauss-Kahn.
Pour le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, "les règles, c'est qu'une équipe ça fait bloc, c'est un pacte dans l'adversité, c'est ça le message".
Le porte-parole du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Thierry Mandon, a estimé que la messe était dite.
"Le président de la République a sifflé la fin de la partie", a-t-il déclaré dans les couloirs de l'Assemblée.
Mais pour le député UMP Bernard Debré, qui rappelle les précédents "couacs", "ce n'est ni la dernière fois ni la première fois qu'il dit que c'est la dernière".
"C'est un peu attristant de voir ce manque d'autorité au niveau de la tête de l'Etat."
Avec Elizabeth Pineau, Marine Pennetier et Marion Douet, édité par Yves Clarisse et Emmanuel Jarry