L’important ce n’est pas de savoir d’où on vient mais de décider où on va

« Les racines, c’est des cache-misère romantiques pour dire de jolie manière qu’on a suivi les migrations industrielles comme les mouettes le chalutier... Histoire de grappiller les restes. Alors aujourd’hui c’est à la mode d’avoir des racines, de-ci, de-là. Conneries, oui ! Ça nous cloue au sol, ça nous empêche d’avancer. Les racines, c’est bon pour les ficus ! »

Citation :

Parlons un peu de nous-mêmes, nous les humains. On nous a rangés dans des cases qui sont autant de cages, quand nous ne l’avons pas fait nous-mêmes, on nous a séparés sur des critères qui n’étaient pas les nôtres et en fonction de causes ou d’identités qui n’ont jamais été les nôtres. On nous a compartimentés, classifiés, on a transformé ce qui pourrait être des relations simples entres humains en de sinueux labyrinthes semés de séparations imaginaires rendues réelles et entretenues par une armada de lois, qu’elles soient inscrites dans des codes pénaux ou dans des codes sociaux, moraux et traditionnels. Mais au fond qu’est-ce qui nous différencie vraiment ?

Ce qui peut nous séparer comme nous relier, qui nous différencie vraiment les uns des autres, c’est l’ensemble des choix qui fait de chacun ce qu’il est vraiment, et non pas les diverses étiquettes collées sur notre dos par les autres, à notre naissance, selon la couleur de peau, le milieu social ou les origines, tout cela dans le but de nous uniformiser, nous intégrer, nous formater, nous domestiquer et nous soumettre. C’est parce que nous refusons toute notion de « nature humaine », ou toute nécessité historique et parce que nous pensons que l’individu n’est rien d’autre que la somme de ses choix, de ses désirs et de ses rêves, que nous ne sommes pas solidaires des conditions qui sont faites aux plus opprimés mais de la vigueur et des perspectives avec lesquelles ils résistent et combattent leurs oppressions.

Nous ne reconnaissons pas le statut de « la victime », cette nouvelle catégorie construite par la justice ou la norme et qui pose l’État et les humanitaires charitables comme seul remède, tout comme nous ne reconnaissons aucune généralité qui se place au dessus de l’individu, ni la responsabilité collective qui en découle. Par exemple celle de tous les « blancs » sur tous les « noirs » par rapport à la traite des noirs, de tous les « hommes » sur toutes les « femmes » par rapport au patriarcat, de tous les « hétérosexuels » sur tous les « homosexuels » pour l’homophobie, de tous les « allemands » sur tous les « juifs » pour le nazisme ou de tous les « juifs » sur tous les « arabes » pour les massacres commis par l’Etat d’Israël au Moyen-Orient. Se reconnaître comme « victime » ou « bourreau » pour des actes qu’on n’a pas subi ou commis nous-mêmes, c’est en quelque sorte reconnaître les catégories qui n’ont toujours servi qu’à subordonner l’individu à quelque chose de plus haut, à le sacrifier au nom d’une Raison Supérieure, à recruter des armées pour les guerres entre États. En tant qu’antimilitaristes, par exemple, nous ne sommes pas responsables des massacres commis en Afghanistan par l’État français au nom d’un « peuple de France » imaginaire, unifié et homogène. C’est pour la même raison que nous refusons des slogans tels que « Nous sommes tous des juifs allemands », « Nous sommes tous des palestiniens ». Ainsi, la seule responsabilité que nous reconnaissons est la notre car c’est à nous mêmes que nous répondons de nos actes.

Il est de bon ton, aujourd’hui, de trouver ses racines, de s’interroger sur ses origines, d’aller se ressourcer au bled ; de commander des recherches sur son arbre généalogique, d’être « roots », comme si le sol ou le sang pouvaient apporter une quelconque réponse à nos désirs de liberté ; comme si le rabaissement des autres « identités » était le moyen d’atténuer ses propres souffrances. Chacun a sa petite identité à mettre en concurrence avec celle des autres, chacun a sa petite fierté insipide à mettre en valeur, chacun fait de sa petitesse une force, alors que tout le monde vit dans la même merde, et que toutes ces divisions et fausses-oppositions font le jeu du pouvoir.

A contrario, des individus font quotidiennement le choix de se révolter, dans les prisons, les centres de rétention, les écoles, envoyant chier famille et traditions, armées, frontières et nations. Chaque amant de la liberté n’attend que d’en rencontrer d’autres pour enfin détruire tous les rôles et les catégories sociales qui les empêchent de se retrouver et de vivre enfin ce qui n’a jamais été vécu, en se coupant de toute racine qui nous rattache encore à ce monde de domination.

Attaquons tout ce qui nous détourne de notre liberté.

Des anarchistes.
[Tract distribué à Paris, décembre 2010.]

Trop de mots pour dire l'essentiel
D'ailleurs quel est l'essentiel?
GIBET

GIBET a écrit:

Trop de mots pour dire l'essentiel
D'ailleurs quel est l'essentiel?
GIBET

C'est qu'ils n'ont rien à dire et qu'ils le crient quand même très fort

[quote="Guinea_Pig"L’important ce n’est pas de savoir d’où on vient mais de décider où on va[/quote]


Oui mais non.

Vois l'importance que revet le fait de connaitre ses origines, aujourd'hui. On pourrait penser que la mondialisation, la circulation des hommes, la tolerance des mentalités et le bon sens des lois envers les enfants illegitimes, les necessités de l'immigration allaient relativiser l'angoisse de l'ascendance, eh bien pas du tout.
C'est essentiel, comme si on ne marchait bien qu'en connaissant la provenance de ses souliers.


Les racines ne clouent pas seulement au sol, Troska, c'est tres reducteur de voir ainsi les choses, elles permettent à l'arbre dont nous sommes partie de prosperer et de grandir. Elles fixent une part de ce que nous transmettons et recevons. Sans ce repere, on evolue moins vite et on est demuni.

Lorsque je lis dans le texte "(...) nous refusons des slogans tels que « Nous sommes tous des juifs allemands », « Nous sommes tous des palestiniens ». " mais moi aussi !
Comme je suis d'accord avec ça !
On n'herite pas du malheur des autres, de leur histoire, la compassion est d'un autre champ, et ces confusions entretenues pour des raisons purement "litteraires" (moi qui aime tant la vraie litterature) sont des camouflets à la raison; le plus drole etant que ceux qui les prechent sont souvent les memes qui bouffent joyeusement de la religion au petit dejeuner. Or, on est dans le domaine du mantra, là, pas de la realité.

Je comprends qu'on aille se ressourcer au bled, qu'on puise dans la geographie familiale et dans les traditions seculaires de quoi se construire. Ce qu'on elude, c'est la necessité de vivre en conformité avec les us et coutumes de l'endroit où on vit. C'est une autre affaire, le drame de la lacheté des uns comme des autres.

J'ai eu une education terriblement germanique (je ne sais pas si tu as une idée de ce que c'est, en tous cas j'ai trouvé mes copains alsaciens chanceux et leurs parents delicieusement laxistes), elle presente un incontournable bon coté : à Rome, on fait comme les romains -et si on n'y arrive pas, c'est qu'on n'a pas essayé assez fort. Mais qu'est ce que j'en ai bavé !... C'etait cependant et certainement necessaire à une certaine construction, parce qu'on n'evacue pas d'un claquement de doigt d'où on vient.

Personne n'y changera rien : on forge son identité d'apres ou contre un modele, partir de zero est un handicap affectif et social, meme s'il n'est pas tres tendance de le reconnaitre. Ca n'empêchera pas bien sur des vies reussies, mais ceux partent de plus loin.


Mab

Bon merci Mab, t'as au moins eu une critique de ce texte et je t'en remercie.
J'reviendrais après

Perso je dépense mon énergie - en vain - à crier sur tous les toits que rien ne pourra jamais sortir de bon de toutes ces histoires débiles d'identité. Ras le cul du boboïsme identitaire, j'espère juste qu'il s'agit d'une simple mode passagère et qu'on en sortira le plus tôt possible.

En ce qui me concerne je ne vois aucune bonne raison d'être fier d'une chose que je n'ai pas choisi en toute âme et conscience. Sans renier mes déterminismes - dans quel but ? - je ne trouve aucun intérêt de m'appesantir dessus et d'en faire la condition sine qua non de mon existence présente et future.

Désolé Guinéa mais je ne comprends pas la teneur de ce cri. Je ne le critique pas je ne le comprends pas.
Quest-ce que l'anarchisme sinon se référer à des racines profondes et anciennes, à une idéologie et des comportements qui séparent en individualisant ceux qui pensent bien contre ceux qui n'ont pas compris l'intérêt de cette doctrine.
J'ai lu plusieurs fois ce texte et je me rends compte que chacun à son "église" même si elle ne porte pas le même nom. Nous en sommes les héritiers et nous pensons tous que c'est la meilleure. Nous avons même compassion ou colère contre ceux qui ne veulent pas comprendre.
Mais personne, dans sa pensée, ne s'interdit de ségréguer.
Personne n'a inventé une idéologie nouvelle et qui donne envie au plus grand nombre d'y aller.
Personne malgré ce que tu penses de nous et ce que tu penses de l'anarchie est très différent dans le domaine de sa pensée politique.
Alors ce texte résonne à mes oreilles dans une incompréhension totale car je constate que ces jeunes qui apportent une critique très dure à l'égard des autres s'enferment exactement dans le même comportement que celui qu'il dénonce.
Mais ils ont la conviction profonde que ce n'est pas le cas.
Voila pour ma part, cher Guinéa, ce que m'inspire ce texte.
Amicalement
GIBET

Citation :

ces jeunes qui apportent une critique très dure à l'égard des autres s'enferment exactement dans le même comportement que celui qu'il dénonce.

Etre radicale n'est pas une tare, ni quelque chose de dangereux, bien au contraire. Je pense que ce qu'il faut avant tout, c'est savoir ce que l'on souhaite, savoir ce que l'on dénonce, même si il faut être dur certains moments. Moi je n'ai rien contre la majorité des gens humainement parlant, politiquement c'est autre chose, c'est sûr, mais c'est comme ça.

Que beaucoup se contentent d'une critique acerbe, mais qui reste dans le domaine de la contestation écrite et qui ne mène rien derrière, cette arrière gout d'avant garde éclairé sans m'être, moi ça me fout les boules, parce que le but c'est de proposer un mouvement partagé par tous et toutes, sur des bases égalitaire, démocratique et auto-organisé. Que certains fassent leur philosophes de salons, ne me plait guère, ce n'est pas pour ça que je m'intéresse à la politique.