Les contre-vérités François Hollande
« Nous avons bien redressé le pays ». Cette phrase, prononcée le 8 mai par François Hollande, pourrait faire sourire si la situation n’était pas si grave. A quel moment avons-nous fait un effort équivalent à celui de nos voisins ?de Edouard Tétreau
Comme un poisson d’avril en mai. Celui servi le 8 mai dernier par le président de la République était particulièrement avarié. Avec un air de Buster Keaton aux pieds du soldat inconnu, il décocha sa première boutade. « Nous avons bien redressé le pays depuis quatre ans. » Ledit pays de se tordre de rire. En particulier les 600 000 chômeurs supplémentaires depuis mai 2012. Mais ce n’était pas fini ! «Je fais en sorte qu’il puisse y avoir un certain nombre de redistributions qui se fassent dans la maîtrise de nos finances publiques. » Au tour des magistrats de la Cour des Comptes de s’esclaffer bruyamment après cette facétie de leur ancien collègue. De 2013 à 2015, les déficits publics cumulés sont supérieurs à 230 milliards d’euros. Ils dépasseront les 300 milliards d’euros fin 2016. A part Nicolas Sarkozy et son quinquennat où la dette a progressé de plus de 500 milliards, qui dit mieux en termes de dérapages des finances publiques ?
Et pourtant, sur les décombres de ces finances publiques non maîtrisées, l’exécutif actuel entend ajouter du déficit au déficit. Malgré l’avertissement de Didier Migaud en février 2016 (« la situation n’autorise aucun relâchement »), les vannes sont lâchées, partout, depuis le début de l’année : 1,6 milliards pour fabriquer des emplois fictifs temporaires pour les jeunes, et accroître la gabegie des 32 milliards d’euros annuels de la formation professionnelle ; 2,4 milliards pour relever le point d’indice des fonctionnaires ; 265 millions d’euros de primes pour les instituteurs.
« Il ne s’agit pas de cadeaux qui devraient être faits. Je n’ai pas cette conception-là », ajouta, pince-sans-rire, le Président, devant un public hilare.Pas de cadeaux, donc. En revanche, « lorsque l’effort a été mené, lorsque les comptes publics sont redressés, il faut qu’il y ait un soutien à des catégories qui ont participé à l’effort. »
N’en jetez plus. Quand les mots prononcés au sommet de l’Etat n’ont plus aucun sens, il faut recourir aux chiffres pour mieux appréhender le réel. Depuis 2012, à la différence de ses grands partenaires et concurrents, la France n’a mené aucun effort, autre que celui, si simple, de surtaxer des contribuables subissant déjà l’une des pressions fiscales les plus élevées au monde.
Où est l’effort budgétaire pour comprimer les dépenses publiques superflues quand, entre 2012 et 2016, l’Allemagne est passée d’un niveau de déficit public de 50 milliards à un excédent de 12 milliards d’euros en 2015 ? Où se loge notre courage quand nous laissons filer la dépense et les effectifs, alors même que la Grande-Bretagne, depuis 2011, a supprimé 300 000 postes de fonctionnaires et fait baisser ses dépenses publiques de 35 milliards de livres, favorisant le retour à la croissance et au quasi plein-emploi (5,4% de taux de chômage) ? A quel moment du film nous sommes-nous serrés la ceinture pour privilégier le travail et la création de richesses sur le loisir et la consommation de richesses produites ailleurs ? Notre droit du travail et notre taux de TVA sont restés inchangés, tandis que l’Allemagne et le Danemark augmentaient leur taux de TVA de 3 points, que l’Espagne comprimait ses salaires pour amener le coût unitaire de l’heure de travail 42% en dessous de celui de la France. C’est une nouvelle agréable de voir les immatriculations de voitures françaises bondir de 6,5% depuis un an. C’est une aubaine pour les usines et ouvriers espagnols qui les produisent. L’Espagne a créé 578 000 emplois sur les douze derniers mois.
« Lorsque l’effort a été mené » comme en Irlande, pays au bord de la faillite en 2010, les résultats sont spectaculaires : 3 points de taux de chômage en moins, une balance des paiements excédentaire, et 7,8% de croissance en 2015 – plus fort que la Chine (4,8% attendus en 2016). Le secret de ce retour à la prospérité ? La chasse au gaspillage et aux coûts superflus d’une superstructure balourde : 20% de baisse de salaire pour les fonctions publiques territoriales ; 10% de baisse des dépenses de l’Etat ; suppression de deux collectivités locales sur trois ; baisse de 40% du nombre d’élus locaux. L’équivalent français serait d’économiser 12 milliards d’euros sur la masse salariale pharaonique (59 milliards d’euros de dépenses de personnel) des 1,9 millions de fonctionnaires territoriaux. De supprimer 37 milliards d’euros de dépense publique, 23 700 communes, et 63 départements. Et 247 354 postes d’élus locaux.
« Nous avons bien redressé le pays depuis quatre ans. » L’humour présidentiel est un humour noir. Il fait le pari, jusque-là gagnant, de la faiblesse viscérale d’une nation qui semble préférer le statu quo, la protection des rentes, l’accroissement des privilèges de ceux qui possèdent un statut ou un emploi protégé, plutôt que l’ouverture, la mise en mouvement, le véritable effort collectif. Là serait la vraie justice sociale : la création de richesses et d’emplois pour le plus grand nombre, pas pour quelques happy fews syndiqués, diplômés, ou les deux.
Cet humour noir, cynique et présidentiel fait bien peu de cas des victimes du système qu’il promeut. A commencer par les 5,5 millions de demandeurs d’emplois. Ou une jeunesse que l’on feint d’amadouer avec des subsides (500 millions d’euros) quand elle tagge la place de la République à Paris, alors qu’elle ne veut pas d’assistance, mais bien la possibilité d’un projet de vie ici en France.
« On a tout essayé contre le chômage », disait sottement François Mitterrand en 1984. On a tout essayé, sauf une chose : la reprise en main démocratique d’un pays par ses forces vives, et la mise à l’écart d’une oligarchie fatiguée, de droite comme de gauche, dont les petites blagues et les grands mensonges n’amusent plus personne. Sauf Marine Le Pen .
Edouard Tétreau
Edouard Tétreau est associé gérant de Mediafin
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