Lettre d'Europe

Les peuples d’Europe trépignent et grondent

Point de vue sur l'actualité signé par un éditorialiste européen(Alliance LENA)

Aujourd'hui, Andrea Siebel

***Le plus bel événement de ma génération, de notre vie, a été et reste encore la chute du Mur. Parce qu’elle représentait la fin de l’absence de liberté. Parce qu’il s’agissait d’égalité et de souveraineté. D’événements magiques dont les hommes sont à l’origine. Les nations d’Europe de l’Est sont du même coup devenues membres d’une entité plus grande, l’Union européenne. Comme dans les contes, ce fut une incroyable libération, que nous ressentons encore au plus profond de nous. Même s’il s’agit seulement d’un fantasme, car le monde s’est enlaidi et court à sa perte. La transformation d’alors ne figurait pas la fin de l’Histoire, mais la capitulation de l’Union soviétique. Monstre apprivoisé, la Russie devait prendre le chemin de la démocratie. Le sourire de Gorbatchev incitait à faire la place aux projets de civilisation et de modernisation du pays. Gorbatchev donnait l’impression d’être l’un des nôtres. Mais tout ça, c’est du passé. Aujourd’hui, la Russie, ou plutôt son gouvernement, montre son côté sombre. Nous sommes revenus à l’ancienne politique coercitive du XIXe siècle, mais avec les moyens du XXIe, qui ne recule ni devant la violence ni devant la guerre. Poutine fait peur. Apparemment, c’est tout ce dont il est capable.

Nous sommes clairement en mode de crise. Il y a quelques années, un film est sorti sous le titre «Les années grasses sont révolues». C’est tellement vrai! Ces années de bonheur, d’insouciance, d’harmonie, semblent bien loin. Mais n’étaient-elles pas aussi des années d’inconscience, des années d’illusion? L’Europe se croit sans frontières, mais elle se heurte en permanence à ses limites, même celles de sa sincérité et de sa crédibilité. La crise européenne que nous vivons est élémentaire, qu’il s’agisse du Brexit, des réfugiés ou de la composition de l’UE. Justement, les slogans «Plus d’Europe», «Europe sans frontières» ou «Solidarité» sonnent creux et sont dangereux. C’est le même son, encore et encore. Mais les populations d’Europe trépignent et grondent. Elles ne se laissent pas endormir par ces belles paroles. Il n’est pas étonnant de voir prospérer le pessimisme culturel en Allemagne, où la population est toujours aux prises avec son rôle et son histoire.

Lorsque Gerhard Schröder a pris ses fonctions de chancelier allemand, il a dit une phrase intelligente: «Nous ne voulons pas tout changer, mais faire beaucoup mieux.» C’est la réalité qui donne la mesure, et non l’idée ou la vision. La politique doit être pragmatique et même parfois, désagréable, voire dure. L’UE est en train de vivre son «choc des réalités». Les élites européennes vont-elles s’y retrouver? Même si je ne reprends pas à mon compte l’idée creuse selon laquelle la crise est une opportunité, quelque chose en moi, qui suis une femme, citoyenne allemande, européenne et journaliste, se refuse à céder au scepticisme et à l’alarmisme. Je suis une optimiste convaincue. En réalité, je suis une optimiste sans illusions. Pour moi, la fin de l’UE est inimaginable. J’imagine plutôt un recommencement plus en douceur. Une «romance factuelle» – comme Erich Kästner l’écrivit jadis dans un poème – entre les membres de l’Union, mais pas une histoire d’amour. Cela fait trop de tintouin.

Personne ne peut prédire ce qui va se passer. Il y a trop d’impondérables. Mais je souhaite que les démocraties européennes se fassent davantage confiance. Qu’elles parviennent à surmonter ces fardeaux et ces dangers, et qu’elles n’abandonnent pas. Elles sont plus fortes que les autocrates de ce monde. Mais elles doivent aussi savoir répondre aux craintes des populations au lieu de les traiter avec condescendance. Ce n’est pas comme ça qu’on fera rentrer le génie du populisme dans sa bouteille.

Je souhaite que la société russe en particulier ait droit à un nouveau départ. A une évolution qui n’impliquerait ni agression, ni rigueur. Cela paraît absurde, je sais, quand on se demande si la guerre ne va pas éclater au Moyen-Orient! De nombreux géostratèges se contentent de considérer l’immense superficie de la Russie comme la raison expliquant que ce pays restera autocratique et ne pourra jamais se moderniser. Selon eux, Poutine n’a pas d’alternative. Ce qui viendrait après lui serait encore pire. Notre correspondante à Moscou Julia Smirnova, décrit sa terre natale comme un «pays fatigué». Fatigué, peut-être, mais qui en a encore sous la semelle. Il suffit pour s’en convaincre de lire le manifeste émouvant de l’activiste Nadejda Tolokonnikova, du groupe Pussy Riot, intitulé «Guide de la révolution». L’obstination de cette jeune femme, détenue dans un camp pendant deux ans et née en 1989, année de la chute du Mur, est remarquable. Sa subjectivité, radicale. Tout comme l’amour de son pays natal. Il y a toujours des alternatives…*** (TDG)
(Créé: 22.02.2016, 18h44)

Andréa Siebel à une bonne vision de l'Europe et de l'ex ennemi de l'occident : l'union soviétique .
Mais beaucoup moins loin et chez elle, elle devrait commencer à s'inquiéter des anciens territoires de la RDA annexés aujourd'hui à la Grande Allemagne et qui basculent dans le populisme, le nationalisme, le racisme et la xénophobie
A force de parler des vieux fantômes on ne voit pas la peste brune qui , d'ici quelques temps, tuera plus dans nos pays que le terrorisme islamique!!
GIBET