... qui vont déprimer les employés et les cadres !!
La réforme des régimes complémentaires Agirc et Arrco, en cours de discussion, pourrait faire très mal. Nos calculs exclusifs sur les pensions à attendre, profil par profil.
La thérapie de choc, c'est pour bientôt ! Patronat et syndicats se sont en effet donné jusqu'à fin juin pour réformer les retraites complémentaires du privé, les régimes Agirc (réservé aux cadres) et Arrco (pour l'ensemble des salariés). Et il y a urgence, leur déficit cumulé ayant doublé l'an passé. L'Agirc, le plus mal en point, a ainsi affiché un trou de près de 2 milliards d'euros, contre 1,2 milliard pour l'Arrco. Quant aux réserves financières, constituées durant les années fastes, elles devraient être épuisées en 2018 pour le premier, et 2027 pour le second... Autant dire que les mesurettes adoptées jusqu'ici, comme le gel des pensions, ne seront pas suffisantes.
Pour savoir à quoi vous devez vous attendre, nous avons construit, avec l'aide du cabinet Optimaretraite, deux scénarios de réforme, en nous appuyant sur plusieurs propositions mises sur la table par les partenaires sociaux. Dans une première version, douce, il s'agirait simplement de fusionner les deux régimes... et leurs réserves (Lire à ce sujet Vers la mort du statut cadre ? ). De quoi donner de l'oxygène à l'Agirc, en repoussant à 2024 la cessation globale de paiement. Gageons que c'est celui qui a le plus de chances d'être adopté d'ici juin. Au passage, la suppression de la cotisation minimale accordée aux bas salaires (la «GMP») ou la baisse de la pension de réversion pourraient être actées. Comme le montrent nos calculs, ces dispositions ne feront pas plaisir, mais elles seraient aisément compensées par six mois à un an de cotisation supplémentaire. Il en va tout autrement du second scénario, où, en plus d'une hausse du coût d'achat des points, des pénalités temporaires, comprises entre 2 et 20%, seraient appliquées pour tout départ avant 67 ans. Mesures radicales, mais qui auraient l'avantage de rétablir rapidement l'équilibre. A ce petit jeu, les cadres, qui tirent de l'Agirc-Arrco les deux tiers de leur pension, seraient bien sûr les grands perdants. Cela les priverait, de façon temporaire, mais aussi définitive, de plusieurs centaines d'euros de pension par mois. Sauf à travailler... jusqu'à 67 ans. Autant dire que les chanceux pouvant anticiper leur départ ne doivent pas hésiter. Faites vos comptes : les premières mesures devraient commencer à s'appliquer, au plus tôt, à partir du 1er janvier 2017.
Employé 35 ans, célibataire- Salaire de fin de carrière : 24.000 euros net/an
- Nombre de trimestres validés à 62 ans : 172 sur 172
- Ce qui l'attend : Ce salarié ne cotisant qu'à l'Arrco a commencé à travailler jeune. Le fait d'avoir tous ses trimestres lui évitera d'être trop pénalisé. En cas de réforme dure, il perdra toutefois 100 euros par mois, même en partant à 67 ans.
Cadre 40 ans, mariée, 2 enfants- Salaire de fin de carrière : 32.000 euros net/an
- Nombre de trimestres validés à 62 ans: 184 sur 172
- Ce qui l'attend : Cette cadre, profitant d'une surcote liée aux enfants qu'elle a élevés, a gros à perdre sur sa pension Agirc si jamais la garantie minimale de points (GMP) dont elle bénéficie devait être supprimée.
Cadre 45 ans, marié 3 enfants- Salaire de fin de carrière : 48.000 euros net/an
- Nombre de trimestres validés à 62 ans : 171 sur 171
- Ce qui l'attend : Le fait, pour cet ancien expatrié, de ne pas avoir cotisé à l'Agirc-Arcco durant deux ans n'arrangera pas son taux de remplacement. En cas de réforme dure, il devra ainsi travailler jusqu'à 65 ans pour espérer toucher 60% de son dernier salaire.
Cadre dirigeant, homme, 55 ans- Salaire de fin de carrière: 144.000 euros net/an
- Nombre de trimestres validés à 62 ans: 152 sur 167
- Ce qui l'attend : Déjà bas, le taux de remplacement de ce cadre dirigeant ne va pas s'arranger. Même en partant à 67 ans, il touchera moins de 45% de son salaire. Quant à la réversion, elle sera au plancher: 24% au mieux.
Cadre sup, 50 ans, mariée, 1 enfant- Salaire de fin de carrière : 86.400 euros net/an
- Nombre de trimestres validés à 62 ans : 168 sur 169
- Ce qui l'attend : Cette cadre, qui tirera les deux tiers de sa retraite des pensions Agirc-Arrco, sera affectée par la hausse, probable, du prix d'achat des points. Perte : jusqu'à 400 euros par mois, même en raccrochant à ses 67 ans.
Sylvain Deshayes
La méthode de nos simulationsNous avons demandé au cabinet spécialisé Optimaretraite de calculer, pour cinq profils différents, le montant total des pensions (retraite de base et complémentaire) à attendre, selon deux scénarios de réforme des régimes Agirc et Arrco (les paramètres du régime général Cnav restant inchangés). Dans le premier scénario, dit de «réforme douce», le coût d'achat des points (ou «salaire de référence») grimpe de 3,5% par an pendant trois ans, et la garantie minimale de points (GMP, attribuée aux bas salaires ou aux chômeurs) est supprimée. Quant à la pension de réversion, elle passe de 60 à 54%. Dans le second scénario, dit de «réforme dure», le salaire de référence bondit de 3,5% par an durant dix ans, la GMP est supprimée, et le taux de réversion baisse à 50%. Le taux d'appel, servant à calculer le nombre de points cotisés, passe de 125 à 130%. Enfin, des pénalités annuelles temporaires sont appliquées aux pensions Agirc et Arrco, d'un montant de 20% en cas de départ à 62 ans, et de 4% à 65 ans. La réforme pourrait être encore plus "pénalisante" si les propositions les plus extrêmes du Medef étaient retenues (Lire à ce sujet Les nouvelles mesures choc du patronat ).
(1) En % du dernier salaire. (2) Décote appliquée un an durant sur la pension Agirc-Arrco, exprimée en % de la pension totale.
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