Buona pulcella fut Eulalia,
Bel avret corps, bellezour anima.
Voldrent la veindre li Deo inimi,
Voldrent la faire diaule servir.
Elle non eskoltet les mals conseilliers,
Qu'elle Deo raneiet qui maent sus en ciel,
Ne por ned argent ne paramentz,
Por manatce regiel ne preiement;
Niule cose non la pouret omque pleier
La polle non amast lo Deo menestier.
Et por o fut presente de Maximiien,
Chi rex eret a cels dis soure pagiens.
Il li enortet, dont lei nonque chielt,
Qued elle fuiet lo nom christiien.
Ell'ent adunet lo suon element.
Melz sostendreiet les empedementz
Qu'elle perdesse sa virginitet.
Por os furet morte a grand honestet.
Enz en I fou lo getterent com arde tost.
Elle colpes non avret, por o no s coist.
A czo non s voldret concreidre li rex pagiens,
Ad une' spede li roveret tolir lo chief.
La domnizelle celle kose non contredist,
Volt lo seule lazsier, si ruovet Krist.
Il figure de colomb volat a ciel.
Tuit oram que por nos degnet preier
Qued avuisset de nos Christus mercit
Post la mort, et a lui nos laist venir
Par souue clementia.
Séquence de Sainte Eulalie ( vers 881 )
Poème de 29 vers daté de 881 et considéré comme le plus ancien monument poétique de la littérature française. C'est une séquence, chantée à la messe, avant l'Evangile, après le Graduel et l'Alleluia.
In Album de la Société des Anciens textes français, 1875, ed. Koschwitz, Leipzig, 1879-1902;
Bonne pucelle fut Eulalie,
Elle avait un beau corps, une âme plus belle.
Les ennemis de Dieu voulurent la vaincre.
Ils voulurent lui faire servir le diable.
Elle n'écoute pas les mauvais conseillers,
Au point de renier Dieu qui demeure au ciel là-haut,
Ni pour or ni pour argent ni pour habits précieux,
Pour menace royale, ni pour prière;
Rien ne put jamais fléchir la jeune fille
Et l'empêcher d'aimer le service de Dieu.
A cause de cela elle fut présentée à Maximien,
Qui était alors roi des païens.
Il l'engage, mais elle n'en tient compte,
A abandonner le nom chrétien.
Elle en rassemble els siennes forces.
Elle supporterait les tortures
Plutôt que de perdre sa virginité.
C'est pourquoi elle mourut très honorablement.
On la jeta au feu, afin qu'elle brûlât tôt.
Elle n'avait pas commis de fautes, aussi ne fût-elle pas brûlée
Le roi païen ne voulut pas se rendre à ce miracle.
Il commanda qu'on lui tranchât la tête avec une épée.
La jeune fille ne protesta point.
On la laisse seule, elle appelle le Christ.
Elle vola au ciel en forme de colombe.
Prions tous qu'elle daigne intercéder pour nous
Afin que le Christ ait pitié de nous
Après la mort et nous laisse venir à lui
Par sa clémence.
Adaptation Charles Oulmont, in La Poésie française du Moyen Age, Mercure de France.