Un avant gout de ce que serait la France extrème droite,il faut vraiment être dégénéré,irresponsable pour vouloir cela dans notre pays.
Une Hongrie en pleine dérive autoritaire prend la tête de l'Europe
LEMONDE.FR | 31.12.10 | 07h39 • Mis à jour le 31.12.10 | 10h14
Avant même d'assurer la présidence tournante des Vingt-Sept pour six mois, à partir du 1er janvier, Budapest fait l'objet de critiques de plus en plus vives après l'adoption d'une loi controversée qui pourrait entamer la liberté de la presse.
Le Parlement hongrois a adopté, le 21 décembre, une série de mesures destinées à encadrer les médias. Les publications produisant des contenus qui ne seraient pas "équilibrés politiquement" ou "entravant la dignité humaine" – la loi ne précise pas ces notions – sont promises à de lourdes amendes : jusqu'à 200 millions de forints (720 000 euros) pour les télévisions et 25 millions (90 000 euros) pour les journaux ou les sites Internet.
L'organe chargé d'infliger ces amendes n'a rien de pluraliste : les cinq membres de ce Conseil des médias sont issus du Fidesz, le parti du premier ministre conservateur Viktor Orban. Cette autorité pourra également inspecter tous les instruments et documents de l'organe de presse incriminé, avant même d'identifier un délit. Et les journalistes pourraient être obligés de divulguer leurs sources sur des questions liées à la sécurité nationale.
La presse hongroise tremble. En signe de protestation, certains journaux ont publié des unes vides. Le climat semble particulièrement tendu à la radio publique, où deux journalistes ont été suspendus pour avoir publiquement manifesté leur opposition à la loi en observant une minute de silence à l'antenne.
La une de l'hebdomadaire "Magyar Narancs", le 2 décembre 2010.Magyar Narancs
"Si elle est mal utilisée, [cette législation] pourrait réduire au silence les médias critiques et le débat public dans le pays", s'est alarmée l'Organisation pour la sécurité et la coopération européenne par la voix de Dunja Mijatovic, représentante de l'OSCE pour la liberté des médias.
•Des sanctions contre la Hongrie ?
L'Allemagne et le Luxembourg ont publiquement condamné le texte. "Le temps de la Pravda est révolu", a tonné le chef de file des libéraux au Parlement européen, le Belge Guy Verhofstadt. Les Verts, eux, demandent à la Commission européenne d'exiger de la Hongrie le retrait de sa loi, voire d'examiner de possibles sanctions. Pour l'heure, Bruxelles a simplement affirmé "suivre cette affaire de très près".
Rien n'indique cependant que les choses aillent plus loin. "En 2000, les sanctions de l'UE contre l'Autriche, après l'entrée au gouvernement du leader d'extrême-droite Jörg Haider, n'avaient pas montré leur efficacité", rappelle Fabio Liberti, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). "Tout dépendra de l'application de cette loi, mais il ne faut pas écarter la possibilité de sanctions", avertit toutefois Daniel Cohn-Bendit, qui n'exclut pas "une possible montée de tension" entre les eurodéputés et le gouvernement hongrois.
•La tentation hégémonique du parti conservateur
Outre cette loi controversée, c'est plus globalement le virage conservateur pris par le pays qui inquiète les autres pays européens. Le parti Fidesz, au pouvoir depuis les élections législatives du mois d'avril, détient plus des deux tiers des sièges au Parlement, ce qui lui permet de modifier la Constitution à sa guise. Ainsi, en réaction à l'invalidation par la Cour constitutionnelle d'une mesure budgétaire phare du premier ministre fin octobre, les députés ont purement et simplement interdit à la Cour de se prononcer sur tous les textes concernant le budget, les taxes et les impôts, sauf si ces derniers touchent à l'exécution de traités internationaux ou aux droits fondamentaux. Petit à petit, Viktor Orban s'emploie à placer des fidèles à tous les postes clés de l'Etat : présidence de la République, présidence de la Cour des comptes, procureur général…
Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, à Budapest, le 15 juillet 2010.AP/BELA SZANDELSZKY
La vague populiste qui a porté le gouvernement Orban au pouvoir s'explique largement, selon Fabio Liberti, par la situation économique très dégradée de la Hongrie. "C'est un pays très complexe, qui a toujours été le bon élève de l'Europe et du FMI dans les années 1990, mais qui fut l'une des premières victimes de la crise financière de 2008 et obligé de demander une aide extérieure, d'où un sentiment de frustration et d'humiliation", précise le chercheur.
•Un danger pour l'Europe ?
Depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui a institué un président du Conseil européen – actuellement Herman Van Rompuy –, le rôle des présidences tournantes s'est théoriquement amoindri. "Mais le pays qui préside le conseil garde tout de même un pouvoir d'impulsion assez fort sur l'agenda, observe Fabio Liberti. Les priorités choisies par la Hongrie – sécurité énergétique, défense européenne, mutualisation des capacités militaires, situation des Roms – sont tout de même de vraies questions de fond."
"L'action du gouvernement hongrois sera évidemment bordée par les autres pays. Il ne pourra pas agir comme il agit chez lui et ne peut pas mener l'Europe dans le précipice, reconnaît Daniel Cohn-Bendit. Mais cette affaire représente un lourd handicap pour la position de l'Europe sur les droits de l'homme."
Si l'Europe risque donc de pâtir de l'image populiste que renvoie la Hongrie aujourd'hui, "les vrais problèmes sont ailleurs, à Paris ou à Berlin, tranche Fabio Liberti. C'est là que se situe le véritable leadership européen".
Ilan Caro