En Hongrie, les enseignants lancent l’offensive contre OrbánFrondeMauvaise passe pour le leader hongrois: les manifestations de professeurs se multiplient. La contestation pourrait s’étendre.
La chemise à carreaux est le symbole du mouvement depuis qu’un proche d’Orbán a dépeint les enseignants comme des gens négligés.
Image: AFP
Corentin Léotard
Budapest
***«Je sais que beaucoup d’entre vous ont peur, mais ils ne peuvent rien contre nous. Il est temps de relever la tête et de reconstruire le système éducatif!» Le message lancé sur Facebook par István Pukli, jeune directeur d’un lycée de Budapest, a été entendu. Un millier de personnes s’est rassemblé sous la pluie, vendredi soir, pour le soutenir. L’autorité qui centralise le système éducatif lui reproche d’être allé soutenir les premières manifestations en province aux heures de classe.
La colère n’a cessé de croître chez les enseignants depuis que le Fidesz, parti conservateur de Viktor Orbán, a décidé en 2012 de s’attaquer à l’autonomie dont jouissaient les écoles pour centraliser le système éducatif. Résultat: des établissements paralysés par une bureaucratie chaotique, des enseignants surchargés pour des salaires indigents et des programmes scolaires rétrogrades.
Parents d'élèves solidaires
Après une manifestation qui a réuni plus de 10 000 personnes devant le parlement le 13 février, le mouvement maintient la pression. Des milliers de parents d’élèves ont prévu de ne pas envoyer leurs enfants à l’école le 29 février. Et une grande manifestation est prévue le jour de la fête nationale, le 15 mars. Les professeurs seront rejoints par les chauffeurs de bus et les personnels médicaux. Sous le couvercle de l’«orbánisme», la Hongrie bouillonne.
Dans la foule de manifestants, vendredi, une pancarte montre Viktor Orbán grimé en baleine dévorée par un banc de poissons. Une chemise à carreaux est brandie: c’est le symbole du mouvement depuis qu’un proche d’Orbán a dépeint les enseignants comme des gens négligés.
Dans la manifestation, Balázs Gulyás garde un œil sur sa page Facebook Fidesz Figyel (Fidesz Watch) où 150 000 fans relaient les photos de lycéens et de leurs professeurs en chemise à carreaux dans tout le pays. «Celle-là, elle vient de Székesfehérvár, du lycée où a étudié Orbán!» s’amuse-t-il. Balázs Gulyás avait réussi à faire renoncer le gouvernement à son projet de taxe sur Internet en 2014.
Parti de la province
«D’emblée, le mouvement a eu un caractère unique», constate le sociologue Gábor Eröss. Il n’est pas parti de Budapest «la libérale», mais de la province. Puis, le syndicat enseignant, qui a toujours brillé par sa docilité, s’est subitement retourné. «Le pouvoir pensait que les enseignants n’oseraient pas remettre en cause le système. Comme tout le monde proteste, il ne peut plus intimider les opposants.» A en croire les sondages, le mouvement est en effet très populaire et présente un risque politique élevé pour le gouvernement.*** (TDG)
(Créé: 22.02.2016, 20h20)