« Partisan d’une politique à la fois régionaliste
et continentale, il se hérisse, en vieil Européen cultivé, ignorant des frontières,
contre les Soviets et contre les Yankees »
(Questions-réponses sur Abel Bonnard réalisé par Fabrice Dutilleul d’après le portrait qu’en a fait Jean Mabire dans son ouvrage Que Lire ? n°1)
Les éditions Déterna ont réédités 3 livres d’Abel Bonnard :
Écrits politiques, Ce Monde et moi et le plus célèbre
Les Modérés…
Désormais, grâce à tant d’efforts, l’ancien ministre de l’Éducation nationale du gouvernement de Vichy, mort en exil à Madrid en avril 1968 – alors que s’amassaient les sombres nuées d’un trompeur orage étudiant – n’est plus un inconnu pour ceux qui furent ses admirateurs inconditionnels, mais aveugles, faute de savoir qui il fut réellement.
Qui fut-il justement ?Révolutionnaire, européen et non « hexagonal », panthéiste et non chrétien, en définitive un phénomène atypique de la société française de son temps. On peut ne pas partager ses idées, incisives et dérangeantes. On ne peut que respecter l’homme, délicat et solitaire. On ne peut aussi qu’admirer l’écrivain, un des plus habiles orfèvres de la langue française, dont toute l’œuvre est à la fois dramatique et recherchée.
Sa germanophobie instinctive se transmue en germanophilie attendrie…Observateur impitoyable des classes possédantes, il s’enthousiasme pour les paysans et les ouvriers avec une naïveté qui le conduira avant la guerre dans le mouvement de Doriot, le PPF, qui lui semble capable de susciter une aristocratie prolétarienne. Il n’est point démocrate : « Le pis, dans la démocratie, réside non seulement dans les idées basses qu’elle répand, mais encore dans les idées hautes qu’elle dénature. »
Il n’appartient en rien à la droite classique…Partisan d’une politique à la fois régionaliste et continentale, il se hérisse, en vieil Européen cultivé, ignorant des frontières, contre les Soviets et contre les Yankees. Ni nationaliste, ni catholique, ni colonialiste… Aussi, 1940 le verra rapidement du côté des ultras de la Collaboration, avec des hommes comme Châteaubriant, Drieu La Rochelle ou Benoist-Méchin. L’ancien socialiste Déat le séduit comme l’a séduit l’ancien communiste Doriot. Il réserve ses insolences pour Maurras et ses amis royalistes. Ministre de la tendance minoritaire, il parvient en 1945 à se réfugier en Espagne. L’Académie française l’aura reçu en 1933 pour l’en chasser douze ans plus tard… Condamné à mort par contumace, il se présente volontairement devant la Haute Cour en 1960 et s’en tire avec dix ans de bannissement, peine imprévue et déjà largement purgée.
Ce Monde et moi (aphorismes et fragments recueillis par Luc Gendrillon), 224 pages, 25 euros.
Écrits politiques (avant-propos Jean Mabire), 216 pages, 25 euros.
Les Modérés (avant-propos Saint-Paulien), 231 pages, 23 euros.
Éditions Déterna, collection « Documents pour l’Histoire », dirigée par Philippe Randa