Le magazine Historia de Février 2014, sous la plume de Joëlle CHEVE (grande historienne sans doute), prétend nous "expliquer" l'affaire du coup d’éventail du dey d'Alger au consul de France "Paul" DEVAL (dont le prénom était Pierre) en 1827. Elle invente également un pays : l'Algérie, oubliant ou ne sachant pas que c'est la France, le 14 Octobre 1839, qui donnera ce nom à ce pays connu alors sous l'appellation de Régence Turque d'Alger.
Le consul de France, Pierre DELVAL, est en poste à Alger depuis 1815. Né au Levant, il parle couramment le turc et l'arabe. Les discussions avec le dey portent sur la créance BACRI, un pret d'un million de francs (et non pas de quatorze millions), consenti, en 1796, par HASSAN au Directoire, qui en demandait cinq, sous forme de crédits à la régence pour des achats de blé destinés aux départements méditerranéens menacés de famine.
Ce sont BACRI et son beau-frere BUSNACH, négociants juifs livournais établis à Alger, et non pas "Algériens" comme le dit l'auteur de l'article, qui fournissent le blé. L'origine du litige résiderait dans ces fournitures de blé, chargées à Alger sur des batiments neutres et arraisonnés à la sortie du port par des pirates préalablement prévenus. Ce blé aurait été racheté à bas prix et revendu à la France, mais tellement avarié qu'on avait du le jeter par dessus bord à son arrivée à Toulon. La France refusa donc de payer. BACRI representera une nouvelle créance de huit millions de francs en 1800 et touchera trois millions. En 1818, il presente à nouveau un memoire de ving quatre millions. L'énormité de la somme est tellement scandaleuse qu'il accepte de la voir réduire à sept millions, payables en especes et consignes à la Caisse des Dépôts (contrairement à ce qu'affirme Joëlle CHEVE, ce n'est donc pas le dey qui accepte de réduire la dette). De tout ces acomptes, le dey d'Alger n'en voit pas la couleur et c'est en toute bonne foi qu'il entend encaisser sa part. Mais la votée par les Chambres ignore Hussein en tant que créancier, c'est ce que tente d'expliquer DELVAL lors de la discussion du 30 Avril 1827.
Joëlle CHEVE affirme par ailleurs que les Français avaient volé le "fabuleux" trèsor de la Casbah-tarte à la crème de l'intelligentsia française- afin de redorer le blason de Charles X. La réalité est toute autre.
Dés la prise d'Alger, une commission composée de l'intendant en chef DENNIEE, du payeur principal FIRINO et du général THOLOZE, gouverneur d'Alger, prend possession du trèsor du dey HUSSEIN. L'or, l'argent et le bronze sont pesés, les monnaies sont mises en caisses, fermées, cachetées et transportées au port pour être embarquées vers la France. Le montant total du trèsor est de cinquante-cinq millions. Cinq millions restent à la disposition de l'armée. Les dépenses de l’expédition se montent à 43 500 00 de francs et l'excedent est de 11 500 000 de francs. Ce sera le seul bénéfice que la France tirera de cette expédition. D'ailleurs, dans son livre "La prise d'Alger racontée par un témoin J.T. MERLE écrit : << Nos grands generaux de la révolution et de l'empire riront à coup sur de pitié en entendant parler du pillage de la Casbah, ce n'était pas des babouches, des pipes et des burnous qu'on s'amusait à prendre dans les belles villas de Lombardie et de Toscane, dans les riches palais de Parme, de Rome, de Florence et de Venise, dans les antiques cathedrales de Tolede, de Grenade, de Burgos et de Valence, dans les gothiques chateaux de la Souabe, de la Bavière, de la Saxe et de la Bohème. Tout le mobilier du dey ne valait pas la moitié d'un des fourgons de d'AUGEREAU. >>
Ce coup d'éventail est la cause indirecte de la détermination de la France pour en finir avec la piraterie barbaresque en Méditerranée, avec l'accord de toutes les puissances occidentales, à l'exception de l'Angleterre.
Joëlle CHEVE écrit que la décision de débarquement fut hâtive alors qu'elle mit plus de trois ans à murir !
Avant d'écrire sa vision personnelle, ou bien commandée, de l'histoire de France, Madame Joëlle CHEVE devrait réviser ses cours d'histoire qu'elle semble quelque peu oubliés.
René COURTINAT