L'EDITORIAL D'ERIC LETTY
CAHU, PANPAN CUCUL !
François n’en revient pas ! Dire qu’à peine cinq jours avant que Cahuzac ne passe aux aveux, il disait à Pujadas : « Je fais confiance en sa parole. » S’il était chrétien, notre bon président dirait que c’est Judas après Pâques, une vipère lovée au blanc sein du gouvernement ! Dès qu’il a appris que son ex-ministre du Budget avait avoué, le chef de l’Etat s’est fendu d’un communiqué pour faire savoir qu’il en prenait acte « avec grande sévérité » et promettre que la Justice en tirerait les conséquences « en toute indépendance ». Pan cucul, Cahu ! La Justice, il n’y a que ça de vrai, mon bon. Il ne sera pas dit que dans la France socialiste, sous le règne d’un président normal, les ministres ne seront pas traités comme des citoyens ordinaires.
Car le socialisme, c’est la morale, l’ignoriez-vous ? La pureté, la probité, la droiture, la sincérité… Et l’on ne s’en cache pas ! En un sens, cette regrettable affaire Cahuzac arrive à point nommé pour le rappeler aux Français. Ayrault, Vallaud-Belkacem et consorts, tous les pontes du Parti socialiste n’ont de cesse de nous le répéter : ce n’est pas à droite que l’on verrait un ministre, voire un ancien président mis en examen, se faire lâcher si spectaculairement par ses pairs. Mais chez les socialistes, pas de ça fillette. On est pur, probe, droit, etc. C’est même ce qui permet, lorsque d’aventure un camarade est surpris les doigts dans le pot de petit-suisse, de continuer à donner des cours de morale à la terre entière, en attendant que la Justice tranche de manière in-dé-pen-dan-te. Si indépendante que le président de la République lui-même prend solennellement la parole pour dénoncer, avant qu’aucun tribunal se soit prononcé, la « faute impardonnable » de Cahuzac et l’« outrage fait à la République ». Méchant Cahu ! Voilà quelques siècles, on l’aurait bouilli vif pour moins que ça.
Car imaginez ce qu’il arriverait si de mauvais esprits mettaient en doute la bonne foi du président et venaient à le soupçonner d’avoir été parfaitement au courant des micmacs de Cahuzac… Ou si, lorsque François Hollande a déclaré avoir appris « avec stupéfaction et colère les aveux de Jérôme Cahuzac devant ses juges », les mêmes méchantes langues avaient demandé si la stupéfaction et la colère résultaient de la découverte de la malhonnêteté de Cahuzac, ou de ses aveux ?
Notre bon président normal ignorait tout et ne savait rien, bien sûr. Il ne sait d’ailleurs jamais rien, Hollande : rappelez-vous l’affaire DSK. Tristane Banon ? Il n’en avait même pas entendu parler… De même, comment aurait-il pu deviner que le trésorier de sa campagne électorale, l’homme d’affaires Jean-Jacques Augier, un homme bien sous tous rapports qui a racheté en janvier dernier le magazine homosexuel Têtu à Pierre Bergé, avait un peu investi aux iles Caïman ? De découverte en découverte, je comprends que notre président s’affole : au train où vont les révélations, il finira par apprendre que toutes les huiles du PS se sont préparé un coin de ciel bleu dans un paradis fiscal. Ou encore que son premier ministre a été condamné en 1997 à 6 mois de prison avec sursis pour un délit de favoritisme… Il aurait bonne mine, François, après avoir annoncé solennellement que « les élus condamnés pénalement pour fraude fiscale ou pour corruption seront interdits de tout mandat public. »
Heureusement des journalistes de gauche, donc consciencieux, ont révélé que Cahuzac est en réalité un nervi d’extrême-droite, qui avait malignement infiltré le PS pour nuire à notre bon président. Bon sang, mais c’est bien sûr ! Tout s’explique pour peu qu’on y mette du sien.
Et moi qui avais failli douter un instant que la République fût vraiment, comme il l’a dit « fondée sur la vertu, l’honnêteté, l’honneur. »
www.monde-vie.com